Gloria Pérez vient d’achever sa première année en tant que Directrice du tourisme du gouvernement d’Aragon. Dans cette interview, elle nous fait part de son évaluation du travail accompli jusqu’à présent, des projets en cours pour l’avenir, des chiffres du tourisme pour l’été et du grand potentiel de l’Aragon en tant que destination touristique.
Comment s’est passé l’été pour le tourisme en Aragon?
Cela s’est bien passé. Les chiffres que tous les représentants des associations d’hôtellerie et de restauration indiquent que le tourisme a retrouvé les niveaux de 2019. Les prévisions que nous avions au début étaient plus basses et cela s’est passé mieux que prévu.
Comment se positionne l’Aragon au sein de l’Espagne en termes de tourisme?
Actuellement, nous sommes la deuxième région intérieure la plus visitée d’Espagne en termes de tourisme intérieur. C’est très important car nous nous positionnons sur le tourisme durable. Le tourisme est vraiment stratégique dans notre PIB.
Qu’est-ce que l’Aragon a à offrir en matière de tourisme durable?
En Aragon, nous offrons la nature, le paysage, les lacs et le patrimoine culturel, auxquels nous sommes attachés.
De quelles régions recevons-nous le plus de visiteurs?
Au Maestrazgo et au Matarraña, nous recevons des visiteurs de la côte valencienne ; dans la province de Huesca, nous recevons principalement des visiteurs français, catalans et navarrais. Nous recevons également quelques visiteurs de Castille-et-León. Dans la province de Saragosse, nous recevons des Catalans, des Madrilènes et des Français. Au niveau international, les personnes qui nous rendent le plus visite sont françaises.
Nous avons également un tourisme belge qui vient sur notre territoire et le marché anglais semble redécouvrir l’Aragon, certains d’entre eux passent la nuit ici quand ils vont sur la côte et cette année les nuitées ont été plus longues que les années précédentes.
Nous faisons la promotion de l’Aragon dans les foires internationales: à Londres, aux Pays-Bas, en France, en Italie, et on récolte ce que l’on sème. Les statistiques que nous recevons montrent que les étrangers qui vont en Catalogne passent un jour ou deux en Aragon.
Quels sont les principaux aspects du tourisme, en dehors du tourisme rural, que le gouvernement d’Aragon veut promouvoir?
Nous encourageons la conduite lente, l’observation des oiseaux, le tourisme rural et surtout le tourisme culturel, les itinéraires culturels
De plus en plus de touristes demandent à en savoir plus sur notre patrimoine et notre histoire et ils sont étonnés par le potentiel que nous avons en Aragon. Ils sont impressionnés par les dolmens, et aussi par le mudéjar, qui est un élément d’identité de notre territoire.
Nous nous concentrons maintenant sur une série d’itinéraires culturels : les Ibères, les Celtibères, la route de l’héritage romain, la route sépharade et la route mudéjare.
Comment se porte le tourisme hébraïque en Aragon?
Nous venons d’aller à Tel-Aviv. L’association Sefarad Aragon a promu les IXe Journées culturelles et gastronomiques sépharades, où le travail de promotion de l’héritage juif a été reconnu et où deux prix ont été décernés, l’un en Israël et l’autre ici. Il y a quelques semaines, nous avons reçu le prix Bahya Ibn Paquda 2022 (un philosophe qui a vécu en Aragon) car depuis 2019, le tourisme culturel hébraïque stagne et nous avons fait un grand effort pour le récupérer.
Grâce au Big Data, un système de données intelligent, nous avons analysé les nuitées et les dépenses des Juifs qui viennent en Aragon. L’étude montre que ce sont des touristes exigeants, ils sont engagés, respectueux et dépensent sur le territoire.
Nous faisons la promotion de l’Aragon auprès de deux secteurs du tourisme juif. L’une qui cherche à profiter de la nature et à connaître notre patrimoine et l’autre qui explore l’héritage sépharade que nous voulons récupérer. En conséquence, nous préparons des conférences culturelles que nous allons développer pour les guides et les entreprises touristiques afin de les former car nous voulons accueillir avec une grande hospitalité le touriste juif qui nous a montré qu’il était sensible à la culture. Cette association, Sefarad Aragón, fait également un travail louable de récupération et de maintien de la tradition ladino, qui est encore parlée en Israël. Nous sommes engagés dans le tourisme sépharade.
Dans GoAragon nous avons publié un article sur la route mariale en Aragon qui déplace beaucoup de personnes aux sanctuaires de El Pilar, Torreciudad…
L’important pour Torreciudad n’est pas le tourisme qu’elle reçoit mais ce qu’elle apporte au territoire. Il y a un flux de Torreciudad qui émane à tout le territoire, en fait, une des médailles du mérite touristique de cette année a été pour son travail louable pour Torreciudad.
Je suis allé voir les installations, l’audiovisuel est impressionnant. Nous l’avons présenté à FITUR. On dit qu’il y a même des athées qui ont été impressionnés par le musée, car ce n’est pas le fait d’être religieux ou non qui compte, c’est de voir l’approche du musée, qui est très humanisée et qui vous rapproche de lui. Vous découvrez une autre facette de ce qu’est la religion… Nous avons une liste de routes en Aragon où tout est émotionnel et expérimental. Il faut expérimenter, et c’est ce que l’on fait à Torreciudad.
Quel bilan tirez-vous de la dernière saison de ski et comment envisagez-vous la prochaine?
La saison de ski a été fabuleuse. Nous espérons que les conditions météorologiques nous seront favorables cette année. Nous représentons 33% de la neige en Espagne en tant que tourisme d’hiver et la saison va de décembre à avril, cette année elle a été prolongée un peu plus longtemps car les conditions de neige étaient optimales. Nous avons plus de 45 000 lits et employons plus de 1 300 personnes, ce qui est très important. Cette année, Astún et Candanchú unissent leurs forces. Nous avons 390 kilomètres de pistes dans les Pyrénées et à Gúdar-Javalambre dans la province de Teruel.
Je suis allé leur rendre visite parce que ce que vous savez, vous pouvez le défendre, et si vous ne le savez pas, vous ne pouvez pas le défendre. Il faut connaître le territoire pour connaître ses forces et ses faiblesses, pour voir où nous pouvons transformer ce tourisme afin qu’il ait une plus grande capacité d’absorption des touristes qui veulent visiter notre territoire.
Saragosse est-elle établie comme destination de congrès et quel autre potentiel est exploité?
Saragosse est la capitale ibéro-américaine de la gastronomie durable, avec le soutien du gouvernement d’Aragon. Ce que nous voulons faire, c’est vendre notre ville, qui est la cinquième plus importante en termes de population en Espagne et qui offre un grand aspect culturel. En outre, Saragosse est une ville de congrès, de colloques et aussi de festivals. Le Vive Latino a été un revulsif, tout comme dans Motorland. Ici, on a enregistré un taux d’occupation de 65% à Saragosse, qui se trouve à une heure et vingt minutes d’Alcañiz.
Nous avons récemment appris que les European Le Mans Series 2023 se dérouleront au Motorland pour la première fois de l’histoire. Qu’est-ce que cela signifie pour Aragon d’avoir le Motorland?
Le circuit Motorland est l’un des meilleurs d’Europe et nous l’avons dans la province de Teruel, l’une des compétitions internationales les plus importantes. De plus, cette année, il a obtenu de bons résultats en termes de nombre de visiteurs, nous devons donc continuer à soutenir Motorland.
J’ai eu l’occasion de rencontrer Marc Márquez, qui nous a dit qu’il aimait beaucoup Motorland, qu’il est venu aux essais de nombreuses fois, et qu’il aimait les produits d’Aragon.
Dinópolis est également l’une des principales attractions touristiques de Teruel.
Maintenant, un investissement va être fait pour le Jurassic Sea pour l’année prochaine. Dinópolis est l’un des plus grands centres scientifiques et de loisirs d’Aragon et d’Espagne. Vraiment, avec le pari qui est fait maintenant, cette magnifique installation va être améliorée.
Motorland et Dinóplis ont été un engagement extrêmement important pris par le parti aragonais et ont un impact positif sur le territoire. Richesse, emploi et infrastructures de qualité en milieu rural. Dinóplis est l’un des principaux centres paléontologiques et de loisirs d’Espagne.
Quel impact ont Motorland et Dinópolis sur la province de Teruel?
Ce sont les deux principaux points focaux qui rayonnent tout autour. Nous avons vendu 87.000 billets au Motorland et il y a eu une très bonne ambiance.
Ce qui est important en Aragon, c’est que 85% des touristes qui viennent sur notre territoire reviennent et ce, grâce à notre hospitalité. Nous avons un melting-pot de cultures: les Aragonais ont dans leurs veines des Ibères, des Celtibères, des Romains, des Juifs, des Musulmans… Comme l’Aragon a été une terre qui a accueilli d’autres cultures, nous avons cette hospitalité, de Celtibère à nos jours. Nous sommes très accueillants, nous sommes appréciés en Espagne, les gens aiment venir ici.
C’est un bon atout.
Nous, Aragonais, sommes la ressource la plus importante de l’Aragon. Si vous vous sentez chez vous dans un endroit et qu’on vous accueille bien, vous avez envie de revenir.
Vous avez mentionné FITUR plus tôt, comment des événements comme celui-ci aident-ils à promouvoir notre communauté?
C’est très important. En fait, cette année, à FITUR, nous nous engageons en faveur du tourisme rural et les chiffres nous le montrent. Avec notre engagement en faveur du tourisme durable, nous axons notre tourisme sur la durabilité et lorsque vous venez en Aragon, vous le faites savoir. FITUR est une grande vitrine au niveau national et international, c’est ce qui nous rend stratégiques. Nous faisons la promotion de l’Aragon pour que les visiteurs viennent sur notre territoire.
Comment le tourisme contribue-t-il à lutter contre le dépeuplement et à fixer la population?
Le tourisme représente 10% du PIB et il ramène de l’emploi sur le territoire et fixe la population.
Nous sommes la première communauté d’Espagne avec les entreprises de tourisme les plus actives: randonnée, alpinisme… Nous nous engageons en faveur des sentiers touristiques et c’est un grand élan. Si de jeunes entreprises de tourisme actif s’installent sur le territoire, c’est parce qu’elles y voient une opportunité.
Voulez-vous promouvoir le Camino de Santiago, en revendiquant le tronçon qui correspond à l’Aragon?
Nous revendiquons la section aragonaise. Nous travaillons en parallèle avec la direction générale du patrimoine et aussi avec la direction du développement territorial, nous avons des compétences en matière de promotion du tourisme. Le chemin français de Saint-Jacques-de-Compostelle est le chemin aragonais de Saint-Jacques-de-Compostelle, que nous promouvons, soutenons et auquel nous sommes attachés. Nous faisons partie du Consortium du Chemin de Saint-Jacques et, en fait, c’est l’une des routes que nous soutenons depuis de nombreuses années.
Que souligneriez-vous de ce qui est promu en matière de tourisme et de gastronomie aragonaise?
L’important est d’avoir une bonne harmonie entre les deux directions générales [Tourisme et Promotion et innovation agroalimentaire], ce que nous faisons. Nous vendons de l’Aragon, de la nourriture et de la gastronomie. Nous avons 7 étoiles Michelin et nous vendons aussi bien de la gastronomie que des expériences touristiques en Aragon et hors d’Aragon.
Je pense que c’est un paquet très important. Nous avons de nombreux objectifs et intérêts communs et c’est pourquoi nous travaillons ensemble. Carmen Urbano est une partenaire merveilleuse et nous travaillons très bien avec elle. En formant toujours une équipe, nous avons plus d’initiatives et de propositions.
Le fait est qu’il y a beaucoup de talent en Aragon et nous voulons le ramener sur le territoire, nous voulons le garder et nous voulons aussi l’exporter. Entre les deux directions, nous créons des synergies et la productivité est beaucoup plus élevée.
L’Aragon est également en train de devenir un point de référence pour les loisirs historiques.
Les reconstitutions donnent à Aragon un grand élan économique. Cela se traduit surtout par un grand nombre de touristes qui sont passionnés par la reconstitution et vivre l’histoire est un engagement très important. Les reconstitutions apportent des avantages économiques à l’environnement dans lequel elles se déroulent.
L’engagement en faveur des reconstitutions consiste à faire connaître notre histoire de manière pédagogique et didactique, ce qui a un impact positif sur les localités où il est mis en œuvre.
Êtes-vous engagé dans le segment du tourisme des seniors?
Nous avons de nombreux segments : le tourisme actif, un segment de seniors à la recherche de patrimoine culturel, il y a un secteur plus restreint de jeunes intéressés par le patrimoine culturel… Nous devons donc segmenter et faire émaner chaque produit touristique en fonction de la demande que nous avons.
Peut-être, parfois, quand on parle de l’Aragon, les gens ne pensent qu’aux Pyrénées.
Le fait est que les gens ne connaissent pas le Sistema Ibérico de Zaragoza et Teruel et lorsqu’ils se rendent à la face cachée de Moncayo, ils sont surpris. Les formations géologiques que nous avons dans la région d’Aliaga, tous les amoureux de la nature sont fascinés par ce territoire. Dans la Sierra de Gúdar et Javalambre, nous voyons ces sommets de 1400 mètres, comment le paysage change, la morphologie du terrain… tout cela contribue à rendre ce que vous voyez encore plus beau.
Vous êtes titulaire d’un doctorat en archéologie et en sciences de l’Antiquité de l’Université de Saragosse et avez consacré une grande partie de votre carrière à l’enseignement. En quoi ce parcours vous a-t-il aidé dans cette nouvelle étape de votre carrière?
J’ai été une personne très discrète et je n’ai pas aimé être exposée, mais maintenant, en raison des changements de vie, c’est le contraire qui se produit. J’ai toujours respecté ma vie privée.
Ma carrière a été basée sur deux leviers. L’un d’entre eux est le secteur de l’éducation : j’ai passé plus de 30 ans à enseigner dans différents centres, en donnant un séminaire intitulé Conoce Aragón (Apprenez à connaître Aragón), organisé par le gouvernement d’Aragón. Ensuite, l’autre levier a été le tourisme : j’ai réalisé des projets touristiques, des centres d’interprétation, des projets de parcs archéologiques, j’ai dirigé des fouilles archéologiques, des chantiers, de la signalétique régionale, des publications… Tout cela m’a surtout permis de connaître l’Aragon.
J’ai parcouru l’Aragon parce que j’ai donné ce séminaire sur la géographie, l’histoire et l’art et pour le faire connaître, je devais d’abord le connaître. Cela m’a aidé à avoir une base et une fondation, à connaître la réalité du territoire. C’est très important, d’ici [en se référant au bureau] on ne le connaît pas, pour connaître la réalité d’Aragon il faut se promener sur le territoire et il faut voir Aragon avec sa réalité et ses gens et c’est là qu’on apprécie ce qui est nécessaire.
Pour toutes ces raisons, je pense que je peux apporter beaucoup à cette direction. Avant tout parce que j’aime et que je suis passionné par mon travail.
Quel bilan faites-vous de votre première année de mandat?
Je pense que ce que je peux dire, c’est que je suis très heureux dans mon travail, je suis passionné par Aragón. Je pense que l’équilibre est que lorsque vous semez, vous récoltez. Cela se traduit surtout par la contribution touristique, c’est-à-dire que nous nous sommes engagés à vendre notre territoire, nos ressources touristiques : astro-tourisme, slowdriving, birding, nature, patrimoine artistique et culturel, tourisme actif et patrimoine historique. Et c’est ce que nous obtenons : que les gens viennent en Aragon pour profiter de notre terre.
Quels sont vos objectifs en matière de tourisme pour cette dernière année de la législature?
Élaborer les itinéraires du tourisme culturel, avant tout. Nous travaillons sur l’astrotourisme, nous voulons montrer que l’Aragon a un ciel propre et que nous sommes un point de référence, le plus important en Europe, surtout dans la province de Teruel.
La région d’Aranda, par le biais du plan de durabilité du tourisme promu par cette direction du tourisme, va recevoir la certification starlight. Il s’agira de la première région certifiée de la province de Saragosse.
D’autre part, nous faisons la promotion de Galáctica. Depuis Aragon Tourisme nous promouvons ce centre de diffusion de l’astronomie, Galactica, qui a récemment fermé ses portes pour réaliser la deuxième phase de l’espace muséal. Galáctica est un point de référence pour apprendre à connaître le cosmos, découvrir ses installations et vérifier l’engagement qui a été pris en faveur de l’astrotourisme scientifique. Il allie science et vulgarisation et c’est l’un des meilleurs paris que l’on fait sur le territoire.