À l’époque reculée du XIIIe siècle et au-delà, le Chemin de la Vraie Croix était déjà devenu une réalité palpable. Ce chemin, qui commençait à traverser les majestueuses Pyrénées depuis des lieux emblématiques comme Roncevaux ou Puente la Reina, marquait le début d’un pèlerinage vers la ville sainte de Caravaca de la Cruz, au nord-ouest du royaume de Murcie. Dans ce lieu sacré était gardé un trésor vénéré : un éclat de la croix sur laquelle Jésus-Christ a donné sa vie.
Le Lignum Crucis et les Templiers : des origines légendaires
L’existence du Lignum Crucis à Caravaca de la Cruz remonte à 1231 et coïncide avec la présence des chevaliers de l’Ordre du Temple. On pense que ce sont ces nobles guerriers qui ont ramené l’écharde de son origine mythique à Jérusalem, peut-être au cours de la sixième ou de la septième croisade.
La Légende de l’Apparition de la Vraie Croix, datée de 1231, relate un événement prodigieux au cours duquel le roi almohade Abu Zeyt, intrigué par le rite chrétien, demanda au prêtre captif Ginés Pérez Chirinos de lui montrer le rituel de la messe. Dans un moment d’égarement, alors qu’il commençait la messe sans la croix, la légende raconte que le roi, levant les yeux au ciel, vit des anges porter la croix demandée par le prêtre. Ce miracle a conduit à la conversion du roi et de sa famille au christianisme.
Les Templiers à Caravaca : gardiens et diffuseurs du culte
Au XIIIe siècle, l’Ordre du Temple s’est établi à Caravaca, jouant un rôle crucial dans l’introduction du culte de la Vera Cruz. La création du bailliage templier dans la région a été étroitement associée à l’initiation de ce culte, qui s’est peut-être répandu par le biais de liens avec la couronne d’Aragon, la Castille et le royaume de Murcie lui-même.
L’Ordre du Temple n’a pas seulement gardé le Camino, mais a également contribué à la diffusion et à la vénération de la Sainte et Vraie Croix de Caravaca. Cette ferveur religieuse, transmise d’homme à homme et de territoire à territoire, a contribué à l’augmentation significative du nombre de pèlerins qui se rendaient à la chapelle royale de la Vera Cruz, aujourd’hui connue sous le nom de Basilica Menor.
Pèlerinages et expansion du culte à la fin du Moyen Âge
Tout au long du XIVe siècle, on a enregistré des mouvements de pèlerins venant de lieux éloignés et se rendant à Caravaca, qui était alors une zone frontalière avec l’Islam. Le culte de la Très Sainte et Vraie Croix s’est développé, étayé par des témoignages tels que le legs d’une habitante de Molina de Segura en 1363, qui a laissé dans son testament l’instruction d’envoyer un maravedí à la Vera Cruz de Caravaca.
Le rituel du bain d’eau, commencé en 1384 et auquel on attribue des pouvoirs miraculeux, consolide le culte et attire un nombre croissant de pèlerins. La donation du Maître Lorenzo Suárez de Figueroa lors de son pèlerinage en 1390 confirme la diffusion du culte dans l’Ordre de Santiago, en mettant en évidence la vénération du lignum crucis.
Chemin de la Vera Cruz. Brochure d’information
Bulles papales et pèlerinages : XIVe et XVe siècles
Les bulles du pape Clément VII (1378-1394) expriment clairement l’enracinement du culte de la Sainte-Croix de Caravaca, non seulement dans la région, mais aussi dans d’autres parties de l’Espagne. Les pèlerins, guidés par les routes et les chemins de l’époque, suivaient les traces de l’Ordre du Temple pour communiquer entre les bailliages, devenant ainsi des agents de diffusion.
À la fin du XIVe siècle, le culte de la Vera Cruz a connu une expansion remarquable, transformant la chapelle en sanctuaire de pèlerinage. Les inscriptions sur le coffret offert par le maître Lorenzo Suárez de Figueroa reflètent une profonde appréciation et vénération pour le lignum crucis.
Héritage espagnol : la voie de la Vera Cruz et au-delà
À l’apogée de l’âge d’or espagnol, Caravaca a connu une croissance significative. Des ordres religieux tels que les frères hiéronymites, les franciscains et surtout les jésuites se sont établis autour de la Sainte-Croix et de la Vera Cruz. Ces derniers, en plus de leurs fonctions religieuses, devinrent les ambassadeurs de la Croix de Caravaca dans des missions allant de la Californie à la Terre de Feu en Amérique du Sud.
La ville de Caravaca de la Cruz, reconnue comme l’une des cinq villes saintes du monde, avec Rome, Jérusalem, Saint-Jacques-de-Compostelle et Santo Toribio de Liébana, a reçu la concession du Saint-Siège pour célébrer l’année jubilaire tous les sept ans depuis 2003. Cet honneur ne remplit pas seulement la ville de gratitude, mais nous pousse également à nous souvenir de sa riche réalité historique et à revitaliser l’ancien Camino de la Vera Cruz, des Pyrénées à la ville sainte de Caravaca.