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4 octubre 2024

Eloy Morera : “Nous devons continuer à combattre notre passé. Nous devons reconquérir notre histoire”

Eloy Morera s'efforce de rapprocher le patrimoine des élèves. Diplômé en histoire, il a récemment remporté le 1er prix du roman historique médiéval de la ville de Calatayud avec son œuvre "Cutanda", l'un de ses quatre livres consacrés à l'Aragon. Il a également travaillé dans le domaine du tourisme et de l'archéologie dans notre communauté dans le but de mettre en valeur le patrimoine aragonais.

En tant qu’historienne, quelle est votre opinion sur le roman historique ?

C’est un outil essentiel pour l’enseignement de l’histoire. Le roman historique a la vertu de rapprocher l’histoire de chacun, dans la mesure où, par le biais de la fiction, il nous permet de nous projeter plus facilement sur des personnes d’autres époques que la nôtre. Parfois, dans les manuels scolaires, l’histoire semble être un ensemble de faits, de dates et de données, mais l’histoire est faite par des personnes. Et le roman historique remet les gens sur le devant de la scène. Le roman historique implique le lecteur dans la reconstruction du passé. Il adapte l’histoire afin de la rendre compréhensible et attrayante.

Historienne, éducatrice, écrivain, lectrice, mais aussi guide et archéologue… Quelle est la relation entre ces domaines ?

Toutes ces activités découlent de l’étude des sociétés passées, mais visent la société de notre époque. Même si cela peut sembler paradoxal, je pense que lorsque nous ne connaissons pas l’histoire, nous devenons des photocopies du passé. L’histoire nous aide à découvrir notre identité et la nature de notre liberté.

L’histoire et le patrimoine aragonais sont très présents dans vos romans.

Aragon est une construction historique. Avant le Moyen Âge, il y avait l’Èbre, les Pyrénées et les montagnes de Teruel, mais il n’y avait pas d’Aragon. Si nous voulons la maintenir, nous devons connaître et valoriser son histoire : c’est son essence.

Avec le roman Cutanda, vous avez remporté le premier prix du roman historique de la ville de Calatayud… Dans ce roman, vous sauvez également un épisode important de notre histoire.

Cutanda a été la grande bataille de notre histoire. Nous connaissons tous les Navas de Tolosa ou de Covadonga, qui n’ont guère compté pour l’avenir de l’Aragon. À Cutanda, Alphonse Ier consolide la conquête de Saragosse et ouvre les portes du royaume d’Aragon à tout le territoire des rivières Jalón et Jiloca. Calatayud a été incorporé une semaine après la victoire. Nous commémorons aujourd’hui le neuf centième anniversaire de cet événement décisif, mais si l’Aragon a gagné la bataille de Cutanda à l’époque, nous l’avons perdue aujourd’hui, car nous ne le savons pas. C’est pourquoi nous devons continuer à nous battre pour notre passé. Nous devons reconquérir notre histoire.

Mais avant cela, avec “Júnez y Casta”, votre premier roman, vous nous avez plongés dans l’Aragon de Sancho Ramírez. Raconte-t-il un épisode de cette période transcendantale ?

L’histoire des personnages principaux est étroitement liée au début de la grande expansion militaire du royaume, lorsque l’Aragon rêvait des terres plates de la vallée de l’Ebre. C’est dans ce sens qu’apparaît la conquête d’Ayerbe ou le processus de repeuplement aragonais pendant le processus dit de “Reconquête”.

Le prologue poétique de Júnez y Casta semble être influencé par Machado et Bécquer…

J’ai en effet été inspiré par les légendes du second et le poème “A un olmo seco” (À un orme sec) du premier. Comme l’esprit des deux poètes, mon texte répond à une sensibilité romantique, élevant la tour d’Obano au rang de symbole d’une époque lointaine et dépassée.

Votre troisième roman est “El castillo de Mesones : un camino hacia el interior”, inspiré de votre expérience en tant que guide dans ce château, qu’est-ce que le lecteur y trouvera ?

C’est un appel à connaître notre patrimoine, à le visiter et à découvrir ses mystères. Rien n’est sans mystère et, bien sûr, nos impressionnants châteaux ne le sont pas non plus. Les châteaux sont comme les gens : leur apparence est parfois trompeuse. Mesones est un paradigme dans ce sens.

Et il est frappant de constater qu’il est écrit sous la forme d’un journal intime.

Pour écrire un journal intime, il n’est pas nécessaire d’avoir de grands titres ou de grandes connaissances ; il suffit d’avoir du temps et de la sensibilité, ce qui est, à mon avis, ce que notre patrimoine exige… Mais aussi ce qui nous constitue en tant que personnes. Curieusement, il semble parfois que ce soit la seule chose que nous n’ayons pas. Du temps. De la sensibilité.

Votre intérêt pour le Moyen Âge est évident, pensez-vous que cette période apporte quelque chose aux lecteurs de notre siècle ?

Le Moyen Âge est l’opposé de notre époque. Nous ressemblons davantage à un Romain d’il y a deux mille ans qu’à un médiéval d’il y a seulement mille ans. C’est pourquoi il est fascinant de se replonger dans cette époque. La connaissance naît des contrastes, et l’observation du Moyen Âge nous aide à nous reconnaître dans la particularité de notre époque.

Avec votre dernière publication, vous avez fait un pas de plus en vous aventurant dans la bande dessinée, dans ce cas également consacrée au château de Mesones. Comment avez-vous pris cette décision ?

Je voulais que les pierres du château de Mesones parlent. Je devais aller au-delà de la brève histoire qui a toujours été répétée au sujet de la forteresse. Et c’était possible, car six cents ans plus tard, ses tours et ses murs sont toujours intacts, il suffisait de leur donner une voix, il suffisait de les dessiner. C’était un défi, bien sûr, mais je suis un esprit médiéval et, comme les chevaliers errants, j’aime les défis. C’est comme ça que la BD du château est née.

La BD est une adaptation du roman, quelle est la part de réalité et quelle est la part de fiction ?

C’est à chaque lecteur de décider…, dans le Château de Mesones ! Mon travail n’est que le début d’un chemin qui se termine à Mesones même. Parce que la vérité n’existe pas, il n’y a que le désir de l’atteindre. Cette idée est ce qui fait bouger le protagoniste, et en vérité, la véritable histoire du château reste un mystère…

Nous vous verrons au Salon du livre de Saragosse, au Parque Grande, dans les prochains jours.

C’est exact, et ce sera merveilleux de partager cette semaine de rencontres et de lectures avec des écrivains, des lecteurs, des illustrateurs et des éditeurs.

Eloy, quel est l’apport de votre travail à Aragon ?

Ma vision de l’Histoire ; ma passion pour la terre ; un peu d’épopée aux galops du Roi Battant et quelques ombres de stylos Bic aux murs de Mesones. Et un cri de guerre : “Aragón, Aragón !

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