La législature actuelle a été compliquée pour tous les domaines, bien que la culture ait été l’un des secteurs les plus sensibles au problème qui a marqué la réalité depuis 2020, la pandémie. Comment l’environnement culturel est après le covid, son importance en Aragon et les politiques du gouvernement régional dans ce domaine sont quelques-unes des questions abordées par le directeur général de la culture du gouvernement d’Aragon, Víctor Lucea, interviewé par ce journal.
Quel est votre diagnostic du secteur culturel à la suite de la pandémie?
Le secteur culturel a manifestement été très malmené par la pandémie. Et nous sommes maintenant dans un moment, d’après ce que nous percevons et parlons aux agents culturels, surtout, avec les techniciens, d’une effervescence impressionnante, coïncidant avec l’été. Les gens sont avides de culture vivante et la normalité nous a permis de revenir, notamment dans certaines activités musicales en plein air, à des niveaux pré-pandémiques ou plus.
Dans d’autres, il est vrai qu’elle est, à certains égards, coûteuse et nous devons être conscients que tout n’est pas si facile. Nous savons que les cinémas ont du mal à retrouver leur niveau de fréquentation. Peut-être que dans certains autres, comme dans le cas de nos musées, il faut aussi du temps pour revenir aux niveaux pré-pandémiques. Il est vrai qu’il y a une tendance à la hausse de la fréquentation des musées, mais aussi qu’il y a eu un tel ralentissement, une telle interruption, que dans certains cas, cela coûte cher.
Mais le contexte est favorable, nous comprenons qu’il y a une tendance favorable et une perception que la culture est un élément essentiel dans nos vies. La pandémie a permis aux agents culturels de réfléchir à la fragilité et à l’importance de la culture en tant qu’élément essentiel de la vie non seulement des professionnels, mais du monde entier.
Quel est le poids du secteur dans le PIB de l’Aragon à l’heure actuelle?
Nous savons que, selon les derniers chiffres, elle représente environ 1,5 à 2 % du PIB. Et il y a un nombre considérable de professionnels, environ 10.000, liés à la culture. Nous soutenons que, en plus d’être un élément important pour l’économie aragonaise, l’importance stratégique de la culture va au-delà. Il y a des questions que le marché n’atteint pas, et les institutions doivent aussi être là pour offrir de la culture. Non pas parce que cela a un rendement économique, mais parce qu’il est important de soutenir des programmes, des activités ou des idées qui ont trait au patrimoine culturel d’Aragon, à la diffusion de la culture et, petit à petit, de travailler à la diffusion de cette culture afin d’incorporer de nouveaux publics. Et, surtout, susciter la curiosité pour que les gens puissent s’enrichir et enquêter chez eux. Nous avons un patrimoine très riche et nous devons aller au-delà du marché.
Quels sont les points forts d’Aragon dans ce domaine?
Nous sommes convaincus qu’Aragon possède un talent créatif remarquable. Je ne vais pas parler de disciplines parce que dans toutes, nous trouvons des exemples et des créations merveilleuses qui, dans certains cas, obtiennent une reconnaissance populaire et sociale ; souvent, un prix vient derrière, ce qui les rend visibles, et dans d’autres occasions, ce n’est pas le cas. Mais nous sommes convaincus qu’il y a d’énormes talents créatifs en Aragon. Mais nous sommes convaincus qu’il existe d’énormes talents dans toutes les disciplines, non pas parce que c’est un acte de foi, mais parce que notre bureau reçoit de nombreuses propositions par le biais de nos lignes d’aide, qui doivent être expliquées dans tous leurs termes, et nous constatons qu’il existe de grands créateurs dans presque tous les domaines de l’activité culturelle. C’est dans toutes les disciplines que l’on trouve de grands créateurs et de grandes créations, et ce sont les administrations qui doivent travailler pour apporter un soutien et une continuité à cela.
Si vous étiez un visiteur étranger, qu’est-ce qui vous surprendrait le plus dans la culture aragonaise?
Peut-être, la richesse de l’offre culturelle en termes d’hétérogénéité des propositions auxquelles on peut accéder. Il est également vrai que nous nous concentrons souvent sur Saragosse, mais l‘Aragon, de manière générale, présente des éléments très notables. Il y a des endroits merveilleux, non seulement en termes de patrimoine, mais aussi en termes de culture. Nous avons établi une ligne de soutien aux festivals du territoire et voyager pour trouver des propositions qui se déroulent dans les zones rurales, qui associent les arts du spectacle, la musique et des propositions vraiment innovantes, est quelque chose qui doit également être pris en compte.
Il est vrai que le grand foyer d’irradiation et de création de la culture en Aragon reste Zaragoza, son grand moteur. Mais sur le territoire, tant à Huesca qu’à Teruel, il existe des propositions très intéressantes qu’il ne faut pas sous-estimer. Il y a de très nombreux endroits à découvrir. Nous avons bon espoir avec une ligne d’aide liée aux fonds MRR que nous publierons à la fin de 2022, avec une exécution en 2023, liée à la revitalisation de la culture dans l‘environnement non urbain ; c’est-à-dire, dans le contexte rural. Nous pensons, et nous le recommandons, que de nombreux projets qui nous sont soumis trouveront un débouché naturel dans cette ligne d’aide. Et nous espérons qu’il aura une continuité.
Et à propos de Saragosse, a-t-elle le potentiel pour devenir un centre culturel capable de rivaliser avec Barcelone, Madrid et d’autres grandes villes?
Il devrait. De notre point de vue, la proposition culturelle de Saragosse est évidemment très riche et nous pensons qu’il est possible de l’améliorer, de l’actualiser. C’est pourquoi nous avons notre propre proposition culturelle, qui ne veut jamais être en concurrence, mais s’ajouter et se compléter. Nous lançons une saison d’opéra et de danse, qui est le fleuron de la proposition culturelle du gouvernement d’Aragon. Ce sont trois étapes importantes parce que, avec les ressources dont nous disposons, nous avons beaucoup ajusté les choses, mais, surtout, nous ne renonçons pas à l’excellence artistique, nous ne renonçons pas au talent aragonais et nous ne renonçons pas à notre propre production.
En effet, la première représentation prévue, «Le Barbier de Séville», met en scène, par exemple, l’Orquesta Reino de Aragón?
Il sera au Teatro Principal, les 5 et 6 novembre. Et oui, nous pensons que ce sera un moment très important pour la culture aragonaise car il s’agit de notre propre production, avec l’Orquesta Reino de Aragón dans la fosse. La mise en scène est de Leo Castaldi, un professionnel avec une projection consolidée et croissante qui développe des productions scéniques au (Teatro) Real, au Liceo, à La Maestranza… Et nous avons réussi, parce qu’il comprend aussi qu’il est possible de faire avancer la proposition culturelle, dans ce cas, lyrique, en Aragon, à le contacter, à générer une synergie très positive et il est ravi de pouvoir collaborer à une scène qui, bien sûr, va en surprendre beaucoup. Nous avons un personnage absolument révolutionnaire, il va être un Barbier de Séville avec des vêtements et une esthétique rock-punk et de tribu urbaine.
Vous avez récemment présenté le projet transfrontalier Paisajes-Pyrenées avec la France, envisagez-vous de poursuivre dans cette voie?
C’est très intéressant. Il s’inscrit dans le cadre d’une activité du Centro de Arte y Naturaleza (CDAN) développée dans le contexte de la Fondation Beulas et a une aspiration claire à la continuité. Il est vrai que nous avons reçu des propositions très intéressantes de collaboration transfrontalière. Cet aspect mérite une sorte de projet ou de visibilité. Nous travaillons sur l’idée de l’internationalisation de la culture aragonaise.
Grâce à l’engagement du président du gouvernement d’Aragon, à la disponibilité du ministère de l’Économie, et je crois que, générant une synergie vraiment intéressante pour l’avenir, nous avons mis en place cette année deux lignes d’action très intéressantes. L’une d’entre elles est le soutien financier accordé par la Société pour le développement industriel d’Aragon (Sodiar) aux projets culturels, avec des conditions de crédit favorables. Et l’autre ligne est de soutenir l’internationalisation de la culture aragonaise. Nous sommes en train de le développer avec Arex (Aragón Exterior) en collaboration avec la Direction générale de la culture. Dans un cas, il s’agit de 450 000 euros et dans l’autre, de 150 000.
Cet été, d’importants événements sont revenus et d’autres sont arrivés, comme Pirineos Sur ou Vive Latino. Quel bilan faites-vous de ces grands festivals d’été?
Il s’agit sans aucun doute de moments très importants en termes d’impact et de visibilité. Beaucoup d’activités économiques ont lieu et la clé est souvent la continuité. Dans le cas de Pirineos Sur, évidemment, cela a été fait ; cela dure depuis de nombreuses années et la marque a été créée. Je pense que Vive Latino a pris un très bon départ, avec la possibilité de rester longtemps car le festival a vraiment été un succès. Et nous sommes déjà en pourparlers préliminaires pour qu’il y ait une nouvelle édition l’année prochaine. Le bilan est donc très positif et les administrations ne peuvent que faciliter la tenue de ce type d’événements, car ils sont très importants.
Vous avez récemment rencontré des agents culturels pour discuter d’un éventuel pacte pour la culture en Aragon. Comment s’est déroulée cette réunion?
En plus des agents culturels, nous voulions qu’il ait un air institutionnel car les institutions ont aussi un rôle très important, surtout en Aragon, dans la génération de la culture. Il y avait la Fédération des municipalités, comtés et provinces (FAMCP), les conseils provinciaux et nos installations, qui sont un point d’ancrage très important et parfois invisible pour les citoyens. Les bibliothèques, les archives et les musées sont au service du public, mais c’est un effort important pour l’administration de continuer à maintenir un bon service en termes d’accès. Et, évidemment, il y avait une grande représentation du secteur culturel, du secteur professionnel, également des associations et des secteurs spécifiques qui ont une vision plus transversale, comme les gestionnaires culturels.
Je dois dire que les sentiments ont été très positifs. Lors de cette réunion, nous avons proposé les termes d’un pacte social pour la culture qui devrait être entériné dans un avenir proche par un document qui, d’une certaine manière, renforce le travail sur une loi sur les droits culturels, qui est la direction dans laquelle nous nous dirigeons. Certaines communautés ont déjà fait des progrès, la Navarre et les Canaries ont des textes, et il existe un terreau favorable pour progresser vers la perception de la culture comme un bien social qui peut avoir une caution juridique permettant d’établir et de faire progresser les politiques culturelles. Nous pensons que, d’ici la fin de la législature, il est possible d’avoir, non seulement un texte proposé par l’administration, mais aussi un texte approuvé par ces agents culturels.